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un homme libre

Renan. Je dus encore m’absenter ; les larmoiements idéalistes cédèrent aux petits faits de Sainte-Beuve. En 86, je pris du bromure ; je ne pensais plus qu’à moi-même. Dyspepsique, un peu hypocondriaque, j’appris avec plaisir que Simon souffrait de coliques néphrétiques. De plus, il n’estime au monde que M. Cokson, qui a trois yachts, et, dans les lettres, il n’admet que Chateaubriand au congrès de Vérone ce qui plait à mon dégoût universel. Enfin à Paris, quand nous déjeunons ensemble, il a le courage de me dire vers les deux heures : « Je vous quitte » ; puis, s’il fume immodérément, du moins blâme-t-il les excès de tabac. Ces deux points m’agréent spécialement, car moi, je demeure sans défense contre des jeunes gens résolus qui m’accaparent et m’imposent leur grossière hygiène.

C’est dans quelques promenades de santé, coupées de fraîches pâtisseries au rond-point de l’Étoile, que je touchai les pensées intimes de Simon, et que je découvris en lui cette sensibilité, peu poussée mais très complète, qui me ravit, bien qu’elle manque d’âpreté.