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ture du Moi », et qui n’étaient au demeurant que des petits traités d’individualisme. Je crois que M. Doumic m’épargnera et s’épargnera volontiers des plaisanteries et des indignations sur l’égoïsme, sur la contemplation de soi-même, dont j’ai été encombré pendant une dizaine d’années. J’étais un fameux individualiste et j’en disais, sans gêne, les raisons. J’ai « appliqué à mes propres émotions la dialectique morale enseignée par les grands religieux, par les François de Sales et les Ignace de Loyola, et c’est toute la genèse de l’Homme libre » (Bourget) ; j’ai prêché le développement de la personnalité par une certaine discipline de méditations et d’analyses. Mon sentiment chaque jour plus profond de l’individu me contraignit de connaître comment la société le supporte. Un Napoléon lui-même, qu’est-ce donc, sinon un groupe innombrable d’événements et d’hommes ? Et mon grand-père, soldat obscur de la Grande Armée, je sais bien qu’il est une partie constitutive de Napoléon, empereur et roi. Ayant longuement creusé l’idée du « Moi » avec la seule méthode des poètes et des mystiques, par l’observation intérieure, je descendis parmi des sables sans résistance jusqu’à trouver au fond et pour support la collectivité. Les étapes de cet acheminement, je les ai franchies dans la solitude morale. Ici l’école ne m’aida point. Je dois tout a cette logique supérieure d’un arbre cherchant la lumière et cédant avec une sincérité par-