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conditions nécessaires pour qu’ils reprennent racine et qu’ils se nourrissent selon leurs affinités.

Au fond le travail de mes idées se ramène à avoir reconnu que le moi individuel était tout supporté et alimenté par la société. Idée banale, capable cependant de féconder l’œuvre d’un grand artiste et d’un homme d’action. Je ne suis ni celui-ci, ni celui-là, mais j’ai passé par les diverses étapes de cet acheminement vers le moi social: j’ai vécu les divers instants de cette conscience qui se forme. Et si vous voulez bien me suivre, vous distinguerez qu’il n’y a aucune opposition entre les diverses phases d’un développement si facile, si logique, irrésistible. Ce n’est qu’une lumière plus forte à mesure que le matin cède au midi.

On juge vite à Paris. On se fait une opinion sur une œuvre d’après quelque formule qu’un homme d’esprit lance et que personne ne contrôle. J’ai publié trois volumes sous ce titre : « Le culte du Moi », ou, comme je disais encore : « La cul-

    rapidement par sa mort les hôpitaux de l’isthme, c’est bénéfice pour celui-là. Mais il fallait construire une morale, et voilà pourquoi on a faussé, en l’édulcorant, le sens du mot solidarité. Quand nous voudrons marquer ces sentiments instinctifs de sympathie par quoi des êtres, dans le temps aussi bien que dans l’espace, se reconnaissent, tendent à s’associer et à se combiner, je propose qu’on parle plutôt d’affinités. Le fait d’être de même race, de même famille, forme un déterminisme psychologique ; c’est en ce sens que je prends le mot d’affinités — ou, parfois, d’amitiés