Page:Barrès - Le culte du moi : un homme libre.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
245
UN HOMME LIBRE

contact que ma clairvoyance qui les créa, elles ne peuvent cabaler ensemble. Qu’une d’elles compromette la sécurité du groupe et par ses excès risque d’entraîner la somme de mes âmes, toutes se ruent sur la réfractaire. Après une courte lutte, elles l’ont vite maîtrisée ; c’est ce qu’on a pu voir dans l’anecdote d’amour.

Vraiment, quand j’étais très jeune, sous l’œil des Barbares et encore à Jersey, je me méfiais avec excès du monde extérieur. Il est repoussant, mais presque inoffensif. Comme l’onagre par le nez, il faut maîtriser les hommes en les empoignant par leur vanité. Avec un peu d’alcool et des viandes saignantes à ses repas, avec de l’argent dans ses poches, on peut supporter tous les contacts. Un danger bien plus grave, c’est, dans le monde intérieur, la stérilité et l’emballement ! Aujourd’hui, ma grande préoccupation est d’éviter l’une et l’autre de ces maladresses. On connait ma méthode : je tiens en main mon âme pour qu’elle ne butte pas, comme un vieux cheval qui sommeille en trottant, et je m’ingénie à lui procurer chaque jour de nouveaux