Page:Barrès - Le culte du moi : un homme libre.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
244
un homme libre

dards sans emploi. La partie basse de mon être, mécontente de son inaction, troublait parfois le meilleur de moi-même. Parmi les hommes je lui ai trouvé des joujoux, afin qu’elle me laisse la paix.

Ce fut la grande tristesse de Dieu de voir que ses anges, des émanations de lui-même, désertaient son paradis pour aimer les filles des hommes. J’ai trouvé un joint qui me permet de supporter sans amertume que des parties de moi-même inclinent vers des choses vulgaires. Je me suis morcelé en un grand nombre d’âmes. Aucune n’est une âme de défiance ; elles se donnent à tous les sentiments qui les traversent. Les unes vont a l’église, les autres au mauvais lieu. Je ne déteste pas que des parties de moi s’abaissent quelquefois : il y a un plaisir mystique à contempler, du bas de l’humiliation, la vertu qu’on est digne d’atteindre ; puis un esprit vraiment orné ne doit pas se distraire de ses préoccupations pour peser les vilenies qu’il commet au même moment. J’ai pris d’ailleurs cette garantie que mes diverses âmes ne se connaissent qu’en moi de sorte que n’ayant d’autre point de