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UN HOMME LIBRE

C’est une légère tristesse de constater, chez un objet de vingt ans qu’on affectionne, la science de dominer les hommes par un mélange de pudeur et de caresses, quand on réfléchit aux expériences qui la lui acquirent.

Elle usa d’un jeu de passion brisée, puis reprise, qui est le plus convenable pour m’émouvoir. Quand je me dépitais, elle ne faisait que rire, ne voulant pas croire que je pusse tenir à elle. Si elle m’avait promis de bonne grâce et dès le début du dîner ce dont je la pressais à la fin de la soirée, peut-être en aurais-je baillé. Car allumer une dernière cigarette, — attendre dans un fauteuil l’instant de la voir jolie, fraîche d’une toilette simplifiée, et complaisante avec de beaux cheveux et des yeux tendres, — ne plus me disperser dans mille soucis mais me réunir dans une action vive, — toutes ces fines émotions, les soirs que, me serrant la main, elle ne me laissait pas descendre de