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UN HOMME LIBRE

Vers cette époque, un soir que je mangeais au restaurant, un jeune Anglais, jadis rencontré à Londres, vint s’asseoir à ma table. Je causai avec un peu de fièvre, explicable chez un solitaire qui depuis deux mois n’avait fait que songer. La conversation se rapprocha très vite de mes méditations familières, et vers dix heures ce jeune homme me disait : « Je compte que j’ai lieu d’être heureux : mon père a beaucoup travaillé il m’a mis à Eton, où je me suis fait des amis nombreux qui me seront utiles dans la vie. »

Cette satisfaction ainsi motivée me fit toucher l’écart qui grandit chaque jour entre moi et le commun des honnêtes gens.