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UN HOMME LIBRE

et de se développer. Pauvres saints du Giotto et petites sœurs ! Ils s’en tiennent à s’émouvoir devant des légendes imposées ; or, moi, je m’enorgueillis à cause de fictions que j’anime en souriant et que je renouvelle chaque soir…

Ces âmes naïves de Santa Maria dell’Arena, je sens que je les trompe en paraissant communier avec elles. J’eus parfois le même scrupule sous mon cloître de Saint-Germain, quand j’invoquais les moines qui m’y précédèrent. C’est par coquetterie, et grâce à des jeux de mots, que je grossis nos légers points de contact. Dans un siècle hostile et vulgaire, sous l’œil des Barbares, des familles éparpillées et presque détruites se plaisent à resserrer leurs liens. Mais il faut avouer que voilà une parenté bien lointaine. Pour un côté de moi qui peut-être satisferait le Giotto, combien qui l’étonneraient extrêmement ! Dans sa chapelle, en même temps que je bâille un peu, ma loyauté est à la gêne.

Trois heures après, à Venise, j’étudiais les