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UN HOMME LIBRE

goût qui me vienne a te relire, je te promets de continuer à te voir, selon la légende qu’aujourd’hui je me fais de toi. Comment pouvais-tu causer des heures entières avec cet artisan ? à moins peut-être qu’ému par ta divine complaisance, ce petit peintre grossier n’ait été très bon et très naturel, ce qui est un grand charme ! Jamais tu n’avouas aucun sentiment tendre ; je veux aller jusqu’à croire que jamais tu ne ressentis le moindre trouble, même quand la date de ton dernier soupir se précisant, tu vis qu’il fallait quitter la vie sans avoir réalisé aucun de tes pressentiments de bonheur. Tu n’aurais connu que déception à chercher ta part de femme, mais c’eût été une faiblesse bien naturelle. Je te loue hautement d’avoir vu que cette image du bonheur est vaine. Dors, noble enfant, repose à jamais dans ma mémoire, seule comme il faut qu’un être libre vive.

Les chanteurs, la musique disaient :

Au bord du lac, tranquille abri

Et moi, rentré au silencieux désert de mon