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UN HOMME LIBRE

un hôpital ? un père supérieur dans un monastère ? Où prendrais-tu l’énergie de leur obéir ? Et si tu la possèdes, leurs conseils sont superflus, car tu peux te les donner à toi-même.

— Je ne voudrais pas être mené avec douceur, car je me méfie de mes défaillances. C’est peut-être que mon âme s’effémine mais elle voudrait être rudoyée. Sous un cloître, dans ma cellule, je serais heureux si je savais qu’un maître terrible ne me laisse pas d’autre ressources que de subir une discipline. Le rêve de ma race est mal employé et je désespère qu’à moi seul je puisse l’amener à la vie.

Simon protesta :

— Les hommes, dit-il, sont abjects, ou du moins ils me paraissent tels. (On se fait des imaginations qui valent des vérités : ainsi toi, pour qui chacun fut aimable, car tu es séduisant et détaché, tu te figures avoir été martyriaé.) Jamais, fût-ce pour mon bonheur, je ne reconnaîtrai la domination d’un homme. Tous, hors moi, sont des barbares, des étrangers, et la Lorraine précisément n’a pas