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préface

l’homme libre venait de distinguer et d’accepter son déterminisme.

Il y a, dans la préface du Disciple, une page de grand effet. Bourget s’adresse « aux jeunes gens de 1889 » pour les inviter « à se méfier du nihiliste struggleforlifer cynique et volontiers jovial » et du « nihiliste délicat ». « Celui-ci, dit-il, a toutes les aristocraties des nerfs, toutes celle de l’esprit… c’est un épicurien intellectuel et raffiné… Ce nihiliste délicat, comme il est effrayant à rencontrer et comme il abonde ! À vingt-cinq ans, il a fait le tour de toutes les idées. Son esprit critique, précocement éveillé, a compris les résultats derniers des plus subtiles philosophies de cet âge. Ne lui parle pas d’impiété, de matérialisme. Il sait que le mot matière n’a pas de sens précis, et il est, d’autre part, trop intelligent pour ne pas admettre que toutes les religions ont pu être légitimes à leur heure. Seulement il n’a jamais cru, il ne croira jamais à aucune, pas plus qu’il ne croira jamais à quoi que ce soit, sinon au jeu de son esprit qu’il a transformé en un outil de perversité élégante. Le bien et le mal, la beauté et la