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UN HOMME LIBRE

l’édifice que nous avions entrepris. Cependant que je me reniais, il me parut, que je commettais une mauvaise action, et une incroyable humiliation se répandit en moi comme un flot sale. J’étais réduit à un tel enfantillage que j'aurais aimé pleurer. J’étais blessé que Simon abondât si brutalement dans mes blasphèmes car j’avais une nouvelle démarche à lui proposer. Mais je sentis bien qu’il accueillerait avec défiance mes réflexions d’Haroué.

En vain essayâmes-nous, avec une excellente fine champagne, de nous relever. J’y gagnai le soir un sommeil épais, mais dès l’aube c’était une acuité, une surexcitation d’esprit insupportable, avec, par tout le corps, des fourmillements.

Je fus obsédé, à cette époque, d’un sentiment intense, qui, sans raison apparente, se lève en moi à de longs intervalles : l’idée qu’un jour, ne fût-ce qu’à ma dernière nuit, sur mon oreiller froissé et brûlant, je regretterai de n’avoir pas joui de moi-même, comme toute la nature semble jouir de sa force, en laissant mon instinct s’imposer à mon âme en irréfléchi.

Persécuté par cette idée fixe, je serrais