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UN HOMME LIBRE

qu’entrevoir. Il faut que je me dissolve comme ma race. Mes meilleures parcelles ne vaudront qu’à enrichir des hommes plus heureux.

Alors la Lorraine me répondit :

« Il est un instinct en moi qui a abouti ; tandis que tu me parcourais, tu l’as reconnu : c’est le sentiment du devoir, que les circonstances m’ont fait témoigner sous la forme de bravoure militaire. Et, si découragée que puisse être ta race, cette vertu doit subsister en toi pour te donner l’assurance de bien faire, et pour que tu persévères.

« Quand tu t’abaisses, je veux te vanter comme le favori de tes vieux parents, car tu es la conscience de notre race. C’est peut-être en ton âme que moi, Lorraine, je me serai connue le plus complètement. Jusqu’à toi, je traversais des formes que je créais, pour ainsi dire, les yeux fermés ; j’ignorais la raison selon laquelle je me mouvais je ne voyais pas mon mécanisme. La loi que j’étais en train de créer, je la déroulais sans rien connaître de cet univers dont je complétais l’harmonie. Mais à ce point de mon dévelop-