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UN HOMME LIBRE

conversation intérieure que j’avais avec moi-même ; les vertus diverses dont je suis le son total me donnaient le conseil de chacun de ceux qui m’ont créé à travers les âges.

Je leur disais : « Vous êtes l’Église souffrante l’esprit en train de mériter le triomphe ; ne pourrai-je pas m’élever plus haut, jusqu’à l’Église triomphante ? Comme le veut l’Imitation, qui guide mon effort spirituel, je me suis reposé dans vos plaies ; j’ai vécu la passion de l’esprit que vous avez soufferte. Quand mériterai-je le bonheur ? L’espoir de m’élever enfin auprès de Dieu me serait-il interdit ? Pourquoi, mes amis, ne fûtes-vous pas heureux ? »

Alors tous ceux que j’ai été un instant me répondirent.

D’abord les jeunes gens (épars dans les grandes villes, au coucher du soleil) : « Il n’est d’autre remède que la mort, et nous nous délivrons résolument ou par des excès désespérés. »

Moi (avec dégoût pour une pareille infirmité de philosophe) : « Mes frères, votre solution ne m’intéresse pas, puisqu’elle m’est