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UN HOMME LIBRE

Mais non ! il ne faut pas que je m’abandonne. Je calomnie ma race. Si elle n’a pas utilisé tous les dons qui lui étaient dispensés, il en est un qu’elle a développé jusqu’au type. Elle a augmenté l’humanité d’un idéal assez neuf. De René II à Drouot, en passant par Jeanne, une des formes du désintéressement, le devoir militaire a paru ici sous son plus bel aspect. Il y a dans ma race, non pas l’esprit d’attaque, la témérité trop souvent mêlée de vanité, mais la fermeté réfléchie, persévérante et opportune. Faire en temps voulu ce qui est convenable. On vit en Lorraine les plus sages soldats du monde, ceux que le penseur accueille. Par les armes, le Lorrain avait fondé sa race ; par les armes, il essaye héroïquement de la protéger. Pressé par les étrangers, il n’eut pas le loisir de chercher d’autres procédés pour être un homme libre. Comment eût-il développé ces dons d’ironie, ce réalisme humain si noble qu’il nous fit entrevoir ? Il bataillait sans trêve à côté de son duc. Le loyalisme ducal, en Lorraine, s’est fondu plus étroitement que partout ailleurs avec l’idée de patrie. Dans sa misère, cette race se