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UN HOMME LIBRE

cette province s’étend sérieuse et sans grâce, qui fut le paya le plus peuplé de l’Europe, qui fit pressentir une haute civilisation, qui produisit une poignée de héros et qui ne se souvient même plus de ses forteresses ni de son génie. Dès le siècle dernier, cette brave population dut accepter de toute part les étrangers qu’elle avait repoussés tant qu’elle était une race libre, une race se développant selon sa loi.

Du moins, la conscience lorraine, englobée dans la française, l’enrichit en y disparaissant. La beauté du caractère de la France est faite pour quelques parcelles importantes de la sensibilité créée lentement par mes vieux parents de Lorraine. Cette petite race disparut, ni dégradée, ni assoupie, mais brutalement saignée aux quatre veines.

Depuis longtemps les artistes étaient obligés de s’éloigner, en Italie de préférence, pour trouver, avec la paix de l’étude, des amateurs suffisamment riches. Les ducs enfin quittèrent le pays, où ils se maintenaient difficilement contre l’étranger, emmenant une partie de leur noblesse. Dans la masse de la