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UN HOMME LIBRE

dans Nancy, et jusque dans cette partie dite Ville-Vieille, où il fut publiquement exposé. Quand nous rêvions près la pierre tombale de René, dans la froide église des Cordeliers, le soir vint, qui, dans les lieux sacrés, nous dispose toujours à la mélancolie. Une race qui prend conscience d’elle-même s’affirme aussitôt en honorant ses morts. Ce sanctuaire national, reliquaire des gloires de Lorraine, mais incomplet comme le sentiment qu’eut jamais de soi ce peuple, date de René II. Les dentelures dorées qui festonnent autour de sa statue moderne, toute cette végétation délicate de figurines et l’élégance de l’ensemble nous reportaient à ces premières époques de la Lorraine, d’une grâce bonhomme, si dépourvue d’emphase. Dans cette maison des souvenirs, nous ne vîmes aucun désir d’étonner. Ces images de morts sans morgue ne se préoccupent ni de la noblesse classique, ni de la pompe. René Il aimait le peuple, c’est ainsi qu’il séduisit les cantons suisses, et il fêtait l’anniversaire de la victoire de Nancy, chaque année, en buvant avec les bourgeois ; Jeanne était a l’aise avec les grands, et la