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UN HOMME LIBRE

en suppliant les rudes cantons suisses, a-t-il pu triompher ?

Dans la vie, fréquemment, Simon et moi nous avons rencontré ces êtres tout brillantés, menant grand tapage, apoplectiques de confiance en soi ; nous ne les aimions guère et toujours les dépassions. À l’usage, il apparaît qu’un René II, avec sa douceur un peu grise, n’est pas un dépourvu ; il est réfléchi, persévérant, et sa modestie le sert mieux que forfanterie. Dans l’histoire, l’extrême simplicité de sa tenue passe infiniment en élégance, du moins pour l’homme de goût, l’ostentation de votre Téméraire. Après la victoire, quelle gravité ingénieuse dans les paroles modérées qu’il adresse au cadavre vaincu et dans l’inscription que notre cocher nous fit lire à la Commanderie Saint-Jean, où le Bourguignon subit la ruine et de grands coups d’épée ! La magnanimité de René n’a rien de théâtral, et s’il honore Charles d’un splendide service funèbre, c’est qu’il voulait publier devant son peuple épouvanté la définitive innocuité du brutal adversaire.

Nous avions suivi le corps du Téméraire