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UN HOMME LIBRE

C’était fini de tes merveilleux frissons qui te valent mon attendrissement ; tu ne fus désormais que le plus intelligent des hommes.

Oraison

Toi qui as abandonné le bohémianisme d’esprit, la libre fantaisie des nerfs, pour devenir raisonnable, tu étais né cependant, comme je suis né, pour n’aimer que le désarroi des puissances de l’âme. Ta jeune hystérie se plaisait dans la souffrance ; l’humiliation fit ton génie. Ton erreur fut de chercher l’amour sous forme de bonheur. Il fallait persévérer à le goûter sous forme de souffrance, puisque celle-ci est le réservoir de toutes les vertus.

… Et nous-mêmes, malheureux Simon, qui ne trouvons notre émotion que dans les froissements de la vie, n’installons-nous pas notre inquiète pensée dans un cadre de bureaucratie ! Ah ! que j’aie fini d’être froissé, et je n’aurai plus que de l’intelligence, c’est-à-dire rien d’intéressant. Mon âme, maîtresse frissonnante, ne sera plus qu’une caissière, esclave du doit et avoir, et qui se courbe sur des registres.