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UN HOMME LIBRE

se forment pas des idées claires sur leurs émotions, ils se plaisent et ils s’honorent ; mais toi, tu t’irritais contre toi-même, et tu n’étais pas plus satisfait de ta vie intime que des événements. Tu savais que tu vivais médiocrement, sans imaginer comment il fallait vivre.

Colloque

Je t’aime, jeune homme de 1828. Le soir, après une journée d’action, j’ai senti, moi aussi, et jusqu’à souhaiter que soudain dix années m’éloignassent de ce jour, un triste mécontentement ; je me suis désolé d’être si différent de ce que je pourrais être, d’avoir par légèreté peiné quelqu’un, et encore d’avoir donné à ma physionomie morale une attitude irréparable.

Parfois, je suis touché de regrets en considérant les hommes forts et simples. Et j’approuve ton Amaury auquel en imposait le caractère poussant droit de M. de Couaen. Parfois, et bien qu’ils nous gênent, il nous arrive de fréquenter des sectaires, pour surprendre le secret qui les mit toute leur vie à