Page:Barrès - Le culte du moi : un homme libre.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
UN HOMME LIBRE

l’amant, le soir, à sa maîtresse : « Va-t’en, je ne veux pas jouir de ton bonheur cette nuit, puisque tu ne peux pas me prouver que demain et toujours, jusqu’à ce que tu meures la première, tu seras également heureuse de te donner à moi. »

Tu n’aimas rien de ce que tu avais en main, mais tu t’exaspéras volontairement à désirer tous les biens de ce monde. Tu trouvais une volupté douloureuse dans l’amertume. Quelques débauchés connaissent une ardeur analogue. Ils se plaisent à abuser de leurs forces, non pour augmenter l’intensité ou la quantité de leurs sensations, mais parce que, nés avec des instincts romanesques, ils trouvent un plaisir vraiment intellectuel, plaisir d’orgueil, à sentir leur vie qui s’épuise dans des occupations qu’ils méprisent. Toi-même, vieillard célèbre et mécontent, tu finis par ne plus résister au plaisir de te déconsidérer, tu passas tes nuits aux jeux du Palais-Royal, et tu tins des propos sceptiques devant des doctrinaires.

Je te salue avec un amour sans égal, grand saint, l’un des plus illustres de ceux qui, par