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UN HOMME LIBRE

— Hé ! me dit-il avec son fin sourire, j’ai servi toutes les causes pour lesquelles je me sentais un mouvement généreux. Quelquefois elles n’étaient pas parfaites, et souvent elles me nuisirent. Mais j’y dépensai la passion qu’avait mise en moi quelque femme.

— Je te comprends, mon maître ; si tu parus accorder de l’importance à deux ou trois des accidents de la vie extérieure, c’était pour détourner des émotions intimes qui te dévastaient et qui, transformées, éparpillées, ne t’étaient plus qu’une joyeuse activité.

Oraison

Ainsi, Benjamin Constant, comme Simon et moi, tu ne demandais à l’existence que d’être perpétuellement nouvelle et agitée.

Tu souffris de tout ce qui t’était refusé : choses pourtant qui ne t’importaient guère. Tu te dévorais d’amour et d’ambition mais ni la femme ni le pouvoir n’avaient de place dans ton âme. C’est le désir même que tu recherchais ; quand il avait atteint son but, tu te retrouvais stérile et désolé. Tu connus ce vif sentiment du précaire qui fait dire par