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UN HOMME LIBRE

J’aime qu’il cherche avec fureur la solitude où il ne pourra pas se contenter. J’aime, quand Mme de Récamier se refuse, le désespoir, la folie lucide de cet homme de désir qui n’aima jamais que soi, mais que « la contrariété rendait fou ».

J’aime les saccades de son existence qui fut menée par la générosité et le scepticisme, par l’exaltation et le calcul. J’aime ses convictions, qui eurent aux Cent-Jours des détours un peu brusques, à cause du sourire trop souhaité d’une femme. J’admire de telles faiblesses comme le plus beau trait de cet amour héroïque et réfléchi que seuls connaissent les plus grands esprits. Enfin, ses dettes payées par Louis-Philippe et cette humiliation d’une carrière finissante qui jetait encore tant d’éclat me remplissent d’une mélancolie romanesque, où je me perds longuement.

J’aime qu’il ait été brave. Quand on goûte peu les hommes les plus considérés, et qu’on se place volontiers en dehors des conventions sociales, il est joli à l’occasion de payer de sa personne. D’ailleurs beaucoup de petites imaginations (et les facultés imaginatives, c’est le