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UN HOMME LIBRE

les morts qui m’ont toujours plu. Et je m’attachai spécialement à quelques-uns qui, au détour d’un feuillet, me bouleversent et me conduisent soudain, par un frisson, à des coins nouveaux de mon âme.

Des figures livresques peu à peu vécurent pour moi avec une incroyable énergie. Quand une trop heureuse santé ne m’appesantit pas, Benjamin Constant, le Sainte-Beuve de 1835, et d’autres me sont présents, avec une réalité dans le détail que n’eurent jamais pour moi les vivants, si confus et si furtifs. C’est que ces illustres esprits, au moins tels que je les fréquente, sont des fragments de moi-même. De là cette ardente sympathie qu’ils m’inspirent. Sous leurs masques, c’est moi-même que je vois palpiter, c’est mon âme que j’approuve, redresse et adore. Leur beauté peu sûre me fait entendre des fragments de mon dialogue intérieur, elle me rend plus précise cette étrange sensation d’angoisse et d’orgueil dont nous sommes traversés, quand, le tumulte extérieur apaisé quelques moments, nous assistons au choc de nos divers Moi.