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TENDRESSE

et parmi les saules, au bord de ces miroirs, il regarda la nuit descendre sur la campagne. Là-bas apparut cette forme amoureuse, souvenir qui vacille au bord de la mémoire et qui n’a plus de nom ; dans un nuage vague elle se fit indistincte, comme un désir s’apaise.

Il n’avait tant marché que pour revenir à cette petite plage où naquit sa tendresse. Son cœur était à bout. Il savait que la vie peut être délicieuse ; il renonça rêver avec elle au bois des citronniers de l’amour et cela seul lui eut souri. Ses méditations familières lui faisaient horreur comme une plaine de glace déjà rayée de ses patins. Il bâilla légèrement, sourit de soi-même, puis désira pleurer.

Du doigt, il traça sur la grève quelques rapides caractères. La brise qui rafraîchissait son âme effaça ces traits légers. —