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le jardin de bérénice

passions à la fois. J’ai senti jusqu’au plus profond découragement le malheur de notre sensibilité, qui est d’être successive et fragmentaire, en sorte que, ayant connu infiniment plus de passions que le sectaire, je n’en ai jamais possédé qu’une ou deux, tout au plus, à la fois. C’est dans cette idée que Néron me demandant, il y a peu, de lui composer un mot philosophique qu’il pût prononcer avant de mourir, je lui ai conseillé : « Qualis artifex pereo ! Quel artiste, quel fabricant d’émotions je tue »

C’est d’ailleurs une exclamation qu’il pourrait jeter avec à-propos à toutes les heures de la vie. J’ai acquis une vision si nette de la transformation perpétuelle de