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III


Nous venons de mettre sous vos yeux une loi importante de la production humaine : pour permettre à la conscience d’un pays tel que la France de se dégager, il faut raciner les individus dans la terre et dans les morts.

Cette conception paraîtra fort matérielle à des personnes qui croient avoir atteint à un idéal d’autant plus élevé qu’elles ont mieux étouffé en elles la voix du sang et l’instinct du terroir. Elles préfèrent se rallier à des formules, vides le plus souvent et qui, fussent-elles pleines d’intentions excellentes, seraient, comme toutes les formules, incapables d’agir sur nos sentiments et sur notre conduite.

Sans doute, certains grands mots eurent de la force politique ; dans la période révolutionnaire, il y a un siècle, ils ont soutenu des efforts, des aspirations — très réalistes. Ainsi s’explique le caractère sacré qu’ils gardent aux yeux d’une France créée dans ces grandes convulsions. Tout naturellement ils viennent sur les lèvres d’un Français embarrassé. Par là, il arrive qu’on les emploie souvent pour se dispenser de rien dire de précis.

Le respectable M. Duclaux fut invité, dans une des réunions anarchistes qu’il décorait de sa présence, à prononcer quelques mots. Il déclara : « Je me conforme à Liberté, Égalité (et perdant la suite), enfin, à tout ce qui est écrit sur les monuments. »