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leurs mesures de ce grand principe : la patrie est plus forte dans l’âme d’un enraciné que dans celle d’un déraciné.

Est-ce à dire que nous voulions nous mettre en travers d’une évolution générale et, par je ne sais quelle discipline évidemment impuissante, attacher l’individu à son clocher comme l’animal à son pieu ?

Indigne supposition. Si les attaches qui retiennent un individu à son lieu de naissance doivent être rompues, je ne m’en plains pas, pourvu que, dans le lieu où il ira se fixer, il puisse prendre des attaches locales. Si les vieux préjugés héréditaires de caste ou de paroisse qui faisaient une raison aux petits groupes doivent être dissipés, je m’en féliciterai, à condition qu’un néant moral ne leur succède pas et que le petit génie local demeure dans la région pour animer d’une nuance d’âme particulière la science internationale.

Bref, pour enraciner les Français, nous souhaitons simplement que les gens de province ne soient pas obligés d’intriguer uniquement à Paris et d’y expédier leurs projets, leurs désirs, leurs vœux, mais qu’ils aient par région des points de centralisation. Nous demandons, en outre, qu’ils puissent s’administrer eux-mêmes, de façon à respecter les particularités locales.

Les volontés qui guidaient les divers petits pays de France s’étant trouvées inférieures à celle qui dirigeait l’Île-de-France, l’unité politique s’est faite. Chacun y trouve aujourd’hui son intérêt. Nul Français n’entend toucher à l’État. Mais cet État, qui souffre de