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LA COLLINE INSPIRÉE

il rencontra le Père Abbé, qui lui demanda où il allait et où il avait laissé le curé Baillard :

— Je l’ai laissé, dit-il, qui circule dans nos étables et qui trouve à blâmer partout, et j’ai pris congé de lui pour aller bêcher mon jardin, et aussi, je l’avoue, parce que ses dédains me blessent pour notre cher couvent.

— Vraiment reprit le Père Abbé, je vous rappellerai ce que disait un jour saint François de Sales : vous vous entendez fort à la seule culture qui importe, celle des âmes ! Vous aurez toujours assez de loisir pour tirer parti de votre jardin, mais ce pauvre monsieur Baillard ne fait que passer au milieu de nous, et il ne faut pas ajourner d’essayer de bien agir sur lui.

Le père Magloire fit demi-tour et, du même pas, s’en fut à la recherche de Léopold. Il ne le trouva plus aux étables. Le frère porcher lui dit qu’il s’en était allé dans la direction du bois. Incontinent le père Magloire se dirigea de ce côté ; il traversa le potager, les prairies, et comme le discours de l’abbé avait évoqué en lui l’image du grand évêque de Genève, il se rappelait que le saint avait fait jadis un acte pareil. « Je suis donc un petit François de Sales aujourd’hui, pensait-il, et je puis dire, moi aussi : Ecce elongavit fu-