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LA COLLINE INSPIRÉE

voir de l’hospitalité, le bon Père Magloire, — un aimable Tourangeau pourtant, très sociable, bon latiniste et que sa grande culture avait paru désigner comme plus capable qu’un autre de tenir compagnie au fameux Supérieur de Sion. — après vingt-huit jours, n’avait pas encore osé engager avec lui une vraie conversation.

Léopold approchait du terme de sa retraite, et ses obsessions allaient grandissant. Autour de Bosserville les grands vents tourmentent le ciel et balayent la Lorraine, dont le cœur sommeille. Au bout de la prairie, la petite ville de Saint-Nicolas couvre de fumée sa cathédrale déchue, que personne ne songe plus à plaindre ; la rivière s’écoule indifférente et pressée ; Nancy au couchant travaille, sans plus s’inquiéter de ce patriote sacrifié que des vieux Lorrains ensevelis dans les caveaux de la chapelle ducale. Et lui, pour se soustraire au torrent de ses visions trop nettes et trop fortes, pareilles à ces démons qui voltigent autour des religieux solitaires, il se réfugie dans les Saintes Écritures : il y allait chercher un alibi pour sa pensée. La nuit qui devait être l’avant-dernière de son séjour, il prit l’Ancien Testament, et l’ayant ouvert au hasard il lut : Il y avait dans la