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Le Père Cléach se sentit soulevé par une espérance et une confiance invincibles. La conversion de Léopold était une tentative qui dépassait les moyens humains ; le pacte qui liait ce malheureux à Satan ne pouvait être rompu que par le pacte supérieur d’une âme sainte avec Dieu : le miracle s’était produit. Dieu avait accepté le sacrifice du Père Aubry.

Au quitter de l’enterrement, le jeune Oblat descendit tout droit chez Marie-Anne Sellier. Dans la cuisine, il trouva la vieille femme avec quelques Enfants du Carmel, et il apprit d’eux que M. Baillard, après une nouvelle attaque, avait manqué mourir l’avant-veille à l’aube. C’était précisément l’heure où le Père Aubry paraissait devant Dieu. L’Oblat ne douta pas que son vénérable ami n’eût obtenu de la compassion divine un répit pour Léopold. Alors, du ton d’un homme qui ne demande pas une permission, avec une gravité et une autorité qu’on ne sentait pas dans sa voix sa première visite, il dit qu’il désirait demeurer seul avec le malade.

Léopold était étendu dans son lit, tout un côté du corps paralysé. À la place de l’expression sévère et militaire qui lui était habituelle, il y avait quelque chose de timide, et le pauvre regard de son œil droit, le seul qu’il