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de l’église ou, mieux encore, dans la belle saison, sous les vieux arbres qui poussent près des tombes. Il s’accordait tout naturellement avec les morts, puisque comme eux il se trouvait mis hors de la vie. Il partageait leurs grandes espérances et répétait avec les inscriptions funéraires : « Mon corps repose en attendant la Résurrection. »

Étranger aux soucis et aux joies de la famille, exclu des soins de la vie publique, privé d’amitié particulière, dédaigneux d’aucune distraction vulgaire, il ne voyait et n’entendait, au cours de ses monotones tournées, que ce qu’il y a d’éternel et quasi d’essentiel en Lorraine. Il s’accordait avec tout ce qui est silence et solitude ; il ramassait et ranimait tout ce qui lui faisait sentir le mystère et la divinité. Léopold vivait comme un moine : Saxon était sa cellule, toute la Lorraine son promenoir.

Chaque jour, la cloison qui séparait ses dimanches et ses jours de travail cédait sous la poussée de ses forces intérieures ; il réalisait l’unité de sa vie, il pénétrait tout de religion. Rejeté par les prêtres, il prenait pour sa part ce qu’ils laissent, tout ce qui flotte de vie religieuse et sur quoi l’Église n’a pas mis la main. Avec un amour désespéré, ce mau-