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Cette souplesse et le ton salubre d’une atmosphère perpétuellement agitée, analogue à celle que l’on peut respirer dans la haute mâture dun navire, donnent une divine excitation à notre esprit, nous dégagent, nous épurent, nous disposent aux navigations de l’âme.

Mais sur ce haut Signal, même au cœur de l’été, la brise nous pénètre et nous glace. On se remet en route sur l’étroite et longue crête qui mène à Vaudémont. Un berger nous salue, seul au milieu de ce désert, où rien, pas même un arbre, ne lui tient compagnie. Comme le soir qui vient donne aux choses un caractère d’immensité ! La rêverie s’égare, dans ce paysage infini, sur les formes aplanies sur la douceur et l’usure de cette vieille contrée. Et soudain, à nos pieds, à l’extrémité du promontoire, surgit un noble château ruiné, au milieu de toits rouges. Là-bas, ne vais-je pas apercevoir un cavalier qui monte vers la forteresse inconnue ? Des sentiments romanesques, depuis longtemps perdus, se réveillent en nous : l’espoir de quelque inattendu, le souvenir d’images aimées bien effacées. C’est dans notre esprit un besoin indéfinissable de légende et de musique. Mais la nuit vient, et je connais la ruine de nos ducs : je sais que,