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des menaces comme en hurlent les aquilons, des indignations brûlantes comme la foudre ! Pour chanter les saisissements, les douleurs, les dégoûts, la faim, le froid, les humiliations, les injures et les brutalités de tous genres dont furent victimes celles et ceux qui restent à la garde de la foi que nous confessons tous, il faudrait de ces mots et de cette poésie que nous connaîtrons un jour, mais qui nous sont encore profondément cachés ! Ah ! ma chère Lazare, vous voulez plaire au cœur de votre père et pontife, craignez des chants qui ne lui rappelleraient que ces récréations où la vanité féminine se chantait elle-même, plutôt qu’elles ne rendaient les inspirations spontanées du cœur.

La pauvre Lazarine, que le Prophète s’entêtait à appeler Lazare, elle ne savait pas pourquoi, était grandement humiliée sur sa chaise, mais ce qui la consola un peu, ce fut la scène qui suivit.

Après ce discours qui n’avait pas duré moins d’une heure, l’Organe s’étant arrêté tout court demanda pourquoi on ne chantait plus. Convaincu qu’il n’avait encore rien dit, et que c’était pour lui le moment de prendre la parole, il s’excusa, en termes qui surpassaient son humilité habituelle, de ce