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mettra au-dessus de tous la tribu des justes. Cependant son jeune adversaire descendait tout seul la pente de Saxon pour regagner son gîte. Il fallut retenir François qui voulait le poursuivre et qui, au milieu d’autres injures, lui criait un reproche très propre à toucher l’auditoire :

— Ça n’a pas quarante sous à dépenser à l’auberge, et ça veut ruiner un pèlerinage qui a rapporté des mille et des mille au pays !

Ainsi la guerre était déclarée. Deux chefs se sont jeté le gant. Voilà que s’affrontent deux puissances, l’étranger et l’indigène, ou même pourrait-on dire, le Romain et le Celte. Tout le pays est divisé.

Les frères Baillard règnent sur le plateau. Ils y occupent le monastère, son grand jardin, les promenades transformées en labours et quelques champs épars. Leurs fidèles habitent toutes les maisons avoisinantes. Dans Saxon, ils peuvent compter sur la plus grande partie des habitants, parmi lesquels le maire et son conseil municipal. Même les attributions du curé, est-il exact qu’ils les aient abandonnées, restituées ? Nullement, puisqu’en qualité de propriétaires du couvent, ils jouissent du droit d’entrer librement