Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.
111
LA COLLINE INSPIRÉE

sure qu’il s’éloignait des belles phrases qu’il avait préparées, à mesure qu’on l’interrompait de questions, mangeant et parlant tout la fois, il reprenait ses mots rudes, ses images à lui, et, au lieu du ton de prédicateur, son accent de terroir :

— Bien sûr, mes chères sœurs, qu’il y en a dans le pays qui diront : « Qu’est-ce que nous raconte là ce grand, avec son imagination aussi haute et pas plus sage que sa tête ? » Vous leur répondrez ce que vous savez bien, qu’à l’arrivée des lettres de Léopold j’ai d’abord ri dans le grand jardin, et que j’ai engagé avec lui un combat quasi à l’épée, par correspondance. Enfin, j’ai voulu voir de mes yeux. Je suis allé à Tilly. Me revoilà. Tout ce que je vous raconte, j’ai l’ai vu et entendu, et avec moi, avec nous quatre, plus de quarante-six personnes, parmi lesquelles des prêtres, des comtes et des marquis. Vintras, aussi vrai que je regarde cette chandelle, c’est un miracle ! et je crois en lui comme je crois en Dieu. Il n’a pas fait plus d’études que vous, mon bon frère Hubert, et tous les jours, pendant deux heures et demie, il parle sur toutes les matières de la théologie, sans éprouver aucun besoin de tousser ni de cracher, ni paraître jamais plus fatigué à la fin