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UN RAT EMPOISONNÉ

Quel sinistre accueil à toutes les issues que sa fièvre cherchait ! Plus âpres peut-être que ses adversaires, ses complices, qui soupçonnaient ou redoutaient ses dénonciations, le guettaient pour l’assommer d’un coup de savate.

On lui disait :

— Il n’y a pas de temps à perdre, car le parquet lancera les citations lundi. Demain samedi, Delahaye doit interpeller. Ricard, si la Chambre le presse, n’hésitera pas à annoncer officiellement les poursuites.

On ajoutait, et de quel air soupçonneux, deux phrases plus terribles :

— Les journaux sont renseignés d’une façon bien précise, inexplicable ! On raconte que, derrière eux, il y a Constans et Herz ; mais, ce Constans, ce Herz, dites-nous, Reinach, d’où tiennent-ils leurs informations ?

Le baron rentra à dix heures du soir, sans avoir dîné, livide d’avoir couru dans cet égout. Il se débattait encore, mais sans méthode, avec les désordres d’un homme perdu. Il ne faisait plus que nager en chien. Amis et ennemis allaient s’entendre pour le noyer. Ainsi une bande de cambrioleurs achève le complice blessé et qui ne peut plus échapper à la police.