Alors ce fut la grande scène. M. Quesnay de Beaurepaire, par habitude oratoire, s’était levé en parlant. Loubet se dressa, lui aussi, et, la main sur son bureau :
— Les noms des corrompus ?… Mais j’ai la liste… Il raconta ce que nul homme un peu informé n’ignorait : M. Cottu communiquant cette liste à M. Constans, ministre de l’intérieur ; l’honorable M. Constans demandant à la garder jusqu’au lendemain « pour réfléchir », et durant la nuit la faisant photographier. En quittant le ministère, M. Constans avait remis une des photographies à son successeur : « Je sais vos secrets, marchez droit. »
C’est avec des pièces de cette sorte qu’on s’assure dans un parlement une solide majorité. Et voilà pourquoi les véritables hommes d’État préfèrent toujours aux honnêtes gens les canailles. Seulement les canailles vous mettent parfois dans l’embarras.
M. Loubet, très énervé, frappait et désignait de ses doigts tendus le côté droit de son bureau. Il craignait d’avoir trop parlé et voulait en dire davantage ; le magistrat, qui avait osé marcher pour le Parlement dans le procès de Boulanger, refuserait-il de sauver, une fois encore, la partie ?
— Nos adversaires, continuait M. Loubet, auraient beau jeu ; cette liste de corrompus, elle est toute républicaine… un seul réactionnaire.