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LEURS FIGURES

explicites et retentissantes ? Il veut que M. Prinet interroge leur triste auteur. M. Prinet a entendu le Ferdinand Martin ; il prétend questionner les Lesseps, les Cottu, les Fontane, le baron de Reinach… Le baron de Reinach ! Ah ! qu’on extrade tout de suite Arton ! »

Traîné dans la boue par les uns, promis à l’Elysée par les autres, M. Ricard jouissait de cette dictature que donne la vertu quand les circonstances permettent d’en tenir le rôle. Obscur la veille, dans une gloire aujourd’hui, il balançait ses collègues du ministère, Ribot, Rouvier, Freycinet, Burdeau, Viette, Loubet, et le président Carnot lui-même, tous opposés aux poursuites. En vérité qu’était-il ? Un imbécile, peu capable de comprendre ses actes, un vaniteux gonflé des louanges de l’opposition ? un ambitieux qui, non content d’assurer sa réélection à Rouen, se préparait à la présidence de la République ? un Machiavel joyeux de décimer ses camarades parlementaires ? C’était plutôt un homme qu’écrasait cette affaire et qui n’eût pas été fâché de succomber immédiatement en martyr de la morale publique. Mais Rouvier, Freycinet, Burdeau, compromis et surveillés, n’osaient pas se découvrir en l’attaquant, et, chaque semaine, le conseil des ministres examinait l’état des choses, sans que Ricard osât s’y prononcer pour les poursuites, ni les autres pour l’étouffement.