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ROULEMENTS DU TONNERRE

Dans cette plaie panamiste, si mal soignée par des médecins en querelle, les sanies accumulées mettaient de l’inflammation. Ducret, directeur de la Cocarde, racontait vingt fois, en secret, une histoire d’immense conséquence.

« Le 5 janvier 1892, vers dix heures du soir, je suis monté chez M. Cottu qui ne se doutait de rien, pour lui annoncer que la Chambre à l’unanimité venait d’exprimer le désir qu’une répression énergique et rapide eût lieu contre tous ceux qui ont encouru des responsabilités dans l’affaire de Panama. M. Cottu s’écria : — Les gredins ! il y en a cent cinquante qui ont volé notre argent ! — Il m’a raconté tout au long, jusqu’à trois heures du matin, les tripotages parlementaires. Et ne croyez pas qu’il cédât à un mouvement irréfléchi d’indignation, car le lendemain il allait trouver M. Constans au ministère de l’intérieur et lui refaisait son récit, en vue de lui démontrer les inconvénients du procès. »

Là-dessus, les couloirs en rumeur disaient : « Constans sait tout ! Constans est dans l’affaire ! »

Les amis du marquis de Morès colportaient qu’un M. de Véragaude lui avait offert contre argent des papiers qui mêlaient Floquet, président de la Chambre, aux marchandages du projet autorisant la Compagnie à émettre des valeurs à lots.