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ROULEMENTS DU TONNERRE

Tel était le langage élevé de Bouteiller qui concluait par cette insolence :

— S’imagine-t-on par hasard qu’il existe jamais une constitution qui dispense les hommes d’avoir au moins quelque degré de raison ?

Cette philosophie était immédiatement mise ne épigrammes par les farceurs qui se chargent de la vulgarisation politique. Ils traînaient dans le ridicule et dans la boue M. Louis Ricard. Avant tout, ils raillaient ses deux longues pendeloques de favoris blancs ; ils le dépeignaient solennel, majestueux, préoccupé d’allier la gravité de l’homme d’État à l’élégance du gentleman. À les croire, minaudier et boursouflé, il s’avançait d’un pas lent et scandé de charlatan, l’œil éteint, la lèvre morne, le geste à la Vaucanson. C’était un père noble, attaché à son idée comme à une fille unique. Leurs journaux ne l’appelaient plus que la « Belle Fatma ».

Cependant le président du conseil, Loubet, convoquait fréquemment à la place Beauvau M. Quesnay de Beaurepaire. Assisté, dans ses conciliabules, du ministre de la marine, Burdeau, il disait :

— Le Parlement est emballé, la presse déchaînée, mon cher procureur général. Qu’allons-nous devenir ? Que le procès découvre des députés ayant trafiqué de leurs votes (et MM. de Lesseps ne ménageront personne à l’audience), la République sera déconsidérée.