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SURET-LEFORT MANGE BOUTEILLER

Il rentra chez lui en fureur, d’autant qu’il était à jeun et que des fatigues accumulées le livraient à ses nerfs. Dans son antichambre souvent assiégée comme un cabinet de ministre, Nelles l’attendait tout seul. Un Nelles vieilli et très excité contre Suret-Lefort qui plaidait pour Mme de Nelles dans leur divorce. Bouteiller s’irrita qu’un si piètre vaincu admît qu’ils lieraient partie : il le mit à la porte, puis il convoqua des gens de sa clientèle, des collègues que jadis il avait désignés aux bienfaits du baron de Reinach. Deux seulement vinrent à la nuit.

— On nous a rapporté, dirent-ils, que vous vous plaignez d’avoir été abandonné.

Bouteiller attendait qu’ils lui offrissent une revanche. Il désirait se faire nommer de la Commission des crédits. Quel choc douloureux quand ils développèrent leur pensée !

— Vous avez commis une maladresse en parlant dès le début de la session… Vous ne le croyez pas ?… L’animosité d’une partie de la Chambre à votre endroit est un fait, quoi qu’on en pense d’ailleurs. Cela peut s’arranger, mais faites le mort. Beaucoup de nos amis estiment qu’une seconde faute a été de vous mettre en concurrence avec Suret-Lefort. Nous nous sommes fait battre, et sur son nom il n’y avait pas à lutter : il fallait le soutenir.

La surprise, la fureur dressèrent Bouteiller :