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SURET-LEFORT MANGE BOUTEILLER

une sorte de magnanimité professionnelle ; il se prise si haut qu’il confond toujours ses propres intérêts et les intérêts de son parti.

— Je remercie, dit-il en substance, mon ami Suret-Lefort de m’avoir fait songer que l’heure est peut-être venue de céder la place à des talents plus jeunes. Je répondrai pourtant à ce qu’il dit de mon impopularité devant la Chambre. Ce qu’on poursuit en moi, c’est l’homme qui s’est mis en travers du honteux torrent boulangiste, c’est l’homme qui s’est opposé à la campagne d’outrages et de soupçons menée au nom d’une honnêteté suspecte contre la politique républicaine. Le boulangisme, sous quelque nom qu’il se masque, a-t-il fini ses entreprises ? Je renoncerai à la vie publique quand les nouveaux venus de mon parti m’auront prouvé qu’ils sont à même de triompher sans leurs anciens.

Il traita ce thème avec une admirable vigueur, brièvement. Mais quand il eut terminé, lui qui avait si fort l’habitude de la parole, il était trempé de sueur. On l’admira ; on ne changea point des résolutions arrêtées en secret : Suret-Lefort fut désigné pour parler seul.

Certes, aux yeux du psychologue, l’extérieur de Bouteiller ou de Suret-Lefort ne promet rien que de mauvais. Chez le souple Suret-Lefort, comme chez Bouteiller durci déjà par quelque usure, les yeux se montrent ardents, la bouche sans huma-