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LA LIQUIDATION CHEZ STUREL

dans l’état des choses, quand tu t’appuies sur des Fanfournot, tu n’as évidemment aucune chance d’être le plus fort et de devenir le pouvoir légal : tu poses une bombe ; tu es un anarchiste.

Ils causèrent ainsi quelque temps, tout à fait séparés désormais, mais nullement irrités, et Rœmerspacher dit encore à Sturel :

— Tu devrais écrire. Cette passion, cette excitabilité, c’est le ton qui plaît le plus à notre époque : un grand nombre de personnes sentent ainsi la vie.

Vers deux heures de l’après-midi Sturel reçut la visite de Fanfournot.

— Tout est prêt, dit le jeune anarchiste. Sturel l’arrêta :

— Je ne publierai pas la liste. Décidément, après les papiers Norton, elle passerait pour une invention.

Fanfournot prit la mine la plus fièrté et la plus méprisante. Mais précisément cette fierté, ce mépris, quelle misère intellectuelle ! quelle basse confiance en soi ! Sturel se repentit d’avoir contribué à exalter chez cet enfant le sentiment de la justice. Seul avec ce primaire exalté, il constata que dans l’état où était arrivé la lutte contre les parlementaires, et n’étant plus qu’eux deux à la mener, il ne poursuivait plus que sa satisfaction, qui serait d’humilier et d’envoyer au bagne ces