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LEURS FIGURES

Je lui dis qu’à son arrivée nous parlions de mon projet avec M. Bouteiller et que j’étais décidé à ne rien publier.

Thérèse de Nelles, accaparée par son amour pour Rœmerspacher, et fort ignorante des passions politiques, n’imagina pas que son ancien ami lui fît un sacrifice. Elle exprima le vrai fond de sa pensée en disant :

— De cette façon, M, Sturel passera de bien plus agréables vacances.

Elle se levait.

— Ne partez pas si vite, lui demanda Sturel.

« Je vous ai perdue pour l’amour de la politique, pensait-il, et aujourd’hui, pour l’amour de vous, je perds en outre la politique. » Cependant il s’enivrait de l’étrange et délicieux plaisir de reconnaître en détail cette figure délicate. Sa tendresse ranimée, son contentement de lui être utile, se mêlaient à l’agrément impur de jouir du trouble d’une femme qui devine dans le regard la mémoire profonde, ineffaçable, le tutoiement du sourire à ses beautés secrètes.

« Je vais renvoyer ce Suret-Lefort », dirent un instant les yeux de Sturel, brillants d’un désir auquel Thérèse de Nelles se défendit d’opposer acquiescement ou refus. Cette ardeur, qu’elle était bien résolue de repousser, l’amusait pourtant et réveillait son ancien goût pour la jeunesse avide et sans phrases de François Sturel (car les