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ROULEMENTS DU TONNERRE

Le 18, jour de la rentrée des Chambres, les députés vinrent en grand nombre au Palais-Bourbon. Dans leurs arrondissements, la plupart avaient été obligés de réclamer la lumière, la lumière complète ; ils s’étaient vantés d’avoir à plusieurs reprises notifié au gouvernement qu’il recherchât toutes les responsabilités ; — c’est que le populaire ne comprend pas les nécessités politiques ; — mais ce 18 octobre, dans les couloirs du Palais-Bourbon, entre gens de bon sens, ils chuchotent que les administrateurs du Panama, tous ces Lesseps, tous ces Cottu, furent toujours des réactionnaires et que la République ne doit pas se prêter à leurs efforts pour la salir. Seuls, quelques députés, élus de cette législature et plus préoccupés de popularité électorale que d’autorité parlementaire, menaient un grand tapage de vertu. Ils parlaient de concussionnaires, d’enquête, d’épuration nécessaire, et prétendaient faire approuver de tous leur dure morale. Peu de personnes savaient exactement la liste des vendus. Aussi chacun se méfiait-il, craignant également de paraître redouter la lumière et de se mettre à dos la bande ténébreuse des criminels. C’était joyeux et d’une âpreté méphistophélique de voir les habiles se défiler, les épaules voûtées, avec un visage inexpressif, et d’entendre des malheureux répéter avec les purs dont ils étaient atterrés : « Il faut aller jusqu’au bout et, s’il y a des vendus, les exécuter. »