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LE SABBAT NORTON

Sturel descendu dans la salle des Pas-Perdus, où s’agitait une foule compacte, ne trouva plus un homme qui fût de l’opposition. Millevoye ayant été dupé par un nègre, tous les chéquards étaient devenus blancs. Le cauchemar panamiste était dissipé. L’auteur de ce livre déclara :

— Voilà le droit aux chèques consacré ; c’est une extension des pouvoirs parlementaires.

Un cynique lui répondit :

— Nous sommes sauvés, mais le métier est gâté pour dix ans.

Les députés sortaient de séance avec des figures hilares. Après les tragédies héroïques de l’« Accusateur » et de la « Première Charrette », cet imbroglio Norton détendait des Français, amis ou ennemis, mais tous nés malins. Au bas de cette journée où ils guettaient le cadavre de M. Clemenceau, ils voyaient venir à la dérive M. Lucien Millevoye. La déception des antiparlementaires et l’embrassade des panamistes mettaient du vaudeville dans les couloirs.

Suret-Lefort abordant Sturel lui rappela avec fatuité leur conversation de juin 1892 au Palais de Justice :

— Il y a juste une année que je te déconseillais cette campagne. Ai-je eu raison de m’abstenir ? Ceux que vous tuez se portent bien !

À deux pas, Bouteiller et Nelles, très entourés,