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LEURS FIGURES

— Non ! Tout n’était pas faux. Le papier a existé. Un fameux papier ! Il y avait un bonhomme en vrai pain d’épices. Seulement, voilà, Ducret a voulu truquer. Il a tout découpé en tant de morceaux, il en a ajouté tant d’autres pour grandir le bonhomme qu’à la fin il n’y avait plus de pain d’épices ni de bonhomme.

Ce même Norton ajoutait :

— Quand on s’est aperçu à l’ambassade de la disparition du papier, du bonhomme en vrai pain d’épices, on m’a soupçonné, on m’a fait venir et lord Dufferin m’a dit : « Vous êtes sujet anglais, vous avez commis un acte de haute trahison en territoire anglais (l’ambassade) ; on peut vous arrêter et vous pendre. » Vous pensez si j’ai eu peur !

— Et pourquoi ne vous a-t-on pas arrêté et pendu ? interrogea Déroulède qui assistait à cette déposition.

Le nègre demeura coi. L’histoire se demandera s’il n’a pas accepté de détruire l’effet du vrai papier en livrant un stock de documents fabriqués.

Rien n’excuse autant Millevoye que ce silence. Silence que le juge ne voulut point presser. Le mulâtre mauricien, Louis-Alfred Véron, dit Norton, est mort peu après en prison, — à moins qu’il n’ait repris sa course à travers le monde policier et politique en changeant encore une fois de nom et peut-être de peau.