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LE SABBAT NORTON

— Vous avez raconté qu’on possédait la preuve de la grande trahison de M. Clemenceau vendu à l’Angleterre. Sortez la preuve.

Et aussitôt il accusait :

— Vos pièces sont volées ? Eh bien ! il faut se souvenir qu’il y a des gendarmes dans le pays.

Millevoye, étourdi par l’éther qu’il avait dû prendre pour surmonter une influenza, fit d’abord tête à l’orage :

— J’affirme la trahison de M. Clemenceau ; je me porte garant et responsable de l’authenticité des papiers sur lesquels je m’appuye.

Alors Clemenceau l’injuriait directement :

— Menteur ! menteur ! menteur !

Ces interruptions sans portée, mais d’extrême violence, ne laissèrent point de troubler Millevoye. Il se bornait d’abord aux quelques phrases qu’il avait écrites et à de brefs extraits des lettres. Par quelle aberration oublia-t-il sa promesse, donnée la veille au ministre, de passer sous silence le « congrès de Behring » ? Lisant la lettre que nous avons citée, du 2 avril 1893, il ne sut pas s’arrêter à ce qui concernait directement M. Clemenceau ; il entama la phrase : « Ceci est d’autant plus regrettable que le congrès de Behring ouvre… » Puis s’apercevant de sa faute, il s’interrompit :

— Avant de continuer, je demande à être cou-