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LE SABBAT NORTON

temps lui avait manqué. Cependant il jugeait impossible de remettre l’interpellation annoncée pour le lendemain.

Déroulède s’était placé un peu en dehors du cercle, afin de marquer qu’il venait pour entendre et non pour parler. Il posa cependant une question :

— Ainsi, monsieur le ministre, vous admettez que ces lettres intimes et d’un ton plaisant émanent d’agents diplomatiques ?

— Ah ! répondit M. Develle, vous ne connaissez pas les Anglais. Leurs diplomates, élevés dans les mêmes universités, gardent dans leurs rapports les plus sérieux ce ton de camaraderie.

Les ministres firent donner à MM. Déroulède, Millevoye, Morès et Ducret leur parole que pas un mot de ces deux entrevues ne transpirerait.

On se sépara à onze heures et demie.

Sur le trottoir, Millevoye, le cœur soulagé, dit à Déroulède :

— Vous voyez bien que les ministres y croient ! Le lendemain matin jeudi, vers dix heures, il y eut une dernière entrevue à l’hôtel Saint-James, chez Déroulède, où Millevoye arriva fatigué, nerveux d’une nuit d’insomnie et de perplexités. On fixa tous les détails de son intervention. Il ne devait point se servir de la liste ; elle était nulle et non avenue ; on voulut même empêcher qu’il l’emportât dans ses poches. Il n’avait pas à certifier l’authenticité des lettres : il expli-